Le 5 juin, Matignon a dévoilé les mesures de la future politique du logement, en s’appuyant sur les conclusions du Conseil national de la refondation. L’objectif : résorber la crise immobilière qui s’aggrave. Mais les mesures annoncées ne semblent pas à la hauteur de l’enjeu.
Les ménages français sont confrontés à une double crise immobilière : structurelle d’une part, avec une pénurie de logements, des prix élevés et une rénovation énergétique à marche forcée et, conjoncturelle d’autre part, avec une hausse des coûts de construction et des taux d’intérêt. Les annonces de Matignon semblent manquer d’ambition. Si le gouvernement a peut-être entendu les Français, il ne semble pas, pour autant, les avoir écoutés.
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Le PTZ est prorogé jusqu’en 2027
Réservé aux primo accédants sous conditions de ressources, le Prêt à taux zéro (PTZ), qui devait prendre fin en 2023, sera au final prorogé jusqu’en 2027. Il sera recentré dans les zones tendues pour l’achat d’un logement neuf dans un immeuble collectif – exit la possibilité de financer la construction d’une maison individuelle – ou dans les autres zones, pour l’acquisition d’un logement ancien sous condition de réalisation d’importants travaux de rénovation, notamment énergétique. « Il n’y a aucune analyse dans cette mesure.Le PTZexiste mais les primo-accédants n’ont pas les moyens d’acheter dans le neuf en zone tendue », dénonce Loïc Cantin, président de la Fnaim. « Est-il si difficile d’avoir un discours réellement en faveur des primo-accédants ? » dénonce-t-il.
Pour faciliter l’accès au crédit d’une manière générale, la mensualisation du taux d’usure, qui devait s’achever en juillet, devrait être prolongée jusqu’à la fin de l’année.
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Quant aux contraintes du HCSF (Haut Conseil de stabilité financière) elles pourraient être assouplies, du moins sur le taux dérogatoire. Les banques peuvent, en effet, s’affranchir de la doxa du Haut Conseil pour 20 % de leurs dossiers, afin de favoriser, notamment, l’accession à la propriété. Une mesure qui risque d’être sans effet, les prêteurs n’utilisant que peu cette liberté. «Les progrès sur l’affectation de cette flexibilité vers le financement des résidences principales et des primo-accédants restent cependant à faire, par certains établissements », concédait laconiquement le HCSF dans un communiqué du 13 décembre dernier. Les mesures prises par le HCSF pour relancer la production de crédits seront, quant à elles, connues le 13 juin prochain.
Enfin, un coup de pouce sera donné au BRS (bail réel solidaire), dispositif qui repose sur une dissociation du bâti et du foncier : les ménages ne sont propriétaires que de leur logement et non du terrain, ce qui réduit le prix payé. Les plafonds de ressources de ce dispositif seront révisés à la hausse afin de permettre à davantage de ménages de pouvoir être éligibles.
Le meublé sur la sellette
Pour faciliter les mobilités et l’accès à l’emploi des locataires des classes moyennes, le gouvernement va développer le logement locatif intermédiaire (LLI) en revoyant le zonage pour l’étendre à davantage de communes. Devraient en bénéficier celles en phase de réindustrialisation sur lesquelles la création de « giga-factories » entraîne une forte demande de logements. En contrepartie, la réduction d’impôt Pinel n’est ni assouplie, ni pérennisée au-delà de 2025. Motif invoqué par les services d’Elisabeth Borne : il s’agit d’un dispositif coûteux, pour lequel il est difficile de vérifier le respect des plafonds de loyers.
L’extension de la garantie Visale (l’État se porte gratuitement garant de certains locataires) est à l’ordre du jour. Le gouvernement s’engage à augmenter le nombre de garanties locatives de 133 %, pour passer de 882 000 à 2 millions sur la période 2023-2027. Cet élargissement fera l’objet d’une convention signée avec Action logement dans les prochains jours.
Mauvaise nouvelle, en revanche, pour les propriétaires de meublés : Matignon projette de travailler sur la fiscalité locative pour favoriser les locations de longue durée. « C‘est une avancée intéressante pour lutter contre les meublés saisonniers de type Airbnb.Il faut mettre davantage de contraintes, notamment juridiques et administratives, à cette activité qui est une activité professionnelle », reconnaît le patron de la Fnaim.
Une relance à minima de la construction
Outre la prorogation du PTZ, des mesures sont aussi destinées à résorber la crise du neuf. Parmi les plus emblématiques, le rachat par la CDC Habitat et Action logement de 47 000 logements invendus par les promoteurs. On murmure que ces transactions s’effectueraient avec une décote de 25 %. Une aumône pour certains. Ensuite, le gouvernement prévoit une concertation avec les élus pour favoriser la transformation des friches et lever les blocages pesant sur les permis de construire. Rien de concret pour le moment.
MaPrimeRénov’ remaniée
Peu d’annonces fortes ou précises non plus en matière de développement énergétique. MaPrimeRénov’ sera réformée en deux piliers « efficacité » et « performance » avec un objectif de 200 000 rénovations en 2024. Par ailleurs, le déploiement des guichets de conseil « France Rénov » devrait se poursuivre pour passer de 450 aujourd’hui à 1300 guichets dans les prochaines années. Le nombre de « mon accompagnateur Rénov » devrait, quant à lui, atteindre 5 000, contre 2 000 actuellement. « Toutes ces annonces, pour la plupart court-termistes, ne sont pas à la hauteur de la situation et de la crise à laquelle nous sommes confrontés. Le gouvernement manque d’une vraie vision sur le logement », déplore Loïc Cantin.